Caravage, Michelangelo Merisi dit (1571 - 1610) Amour endormi 1608, huile sur toile, 72 x 105 cm Florence, Istituti museali della Soprintendenza Speciale per il Polo Museale Fiorentino – Galleria Palatina, Palazzo Pitti © S.S.P.S.A.E e per il Polo Museale della città di Firenze - Gabinetto Fotografico.
Caravage, Michelangelo Merisi dit (1571 - 1610) 1594, Garçon mordu par un lézard, huile sur toile 65,8x52,3 cm Florence, Fondazione di Studi di Storia dell'Arte Roberto Longhi Studio Sébert Photographes.
Giotto di Bondone (vers 1267 – 1337) St Jean l'Evangéliste Vers1320, tempera et or sur bois, 128 x 55,5 cm / 120 x 54,3 cm Abbaye royale de Chaalis, Musée Jacquemart-André – Institut de France © Studio Sébert photographes.
Masaccio, Vierge à l’enfant, vers 1426-27, tempera et or sur bois. Attribuée par Longhi Galerie des Offices, Florence © Soprintendenza Speciale per il Patrimonio Storico Artistico ed Etnoantropologico e per il Polo Museale della Città di Firenze/ Gabinetto Fotografico.
Matthias Stomer, Annonce de la naissance de Samson à Manoach et à femme, vers16301632 © Firenze, Fondazione di Studi di Storia dell’Arte Roberto Longhi
Si l'exposition de Giotto à Caravage célèbre l'influence d'un des grands historiens de l'art italien Roberto Longhi (1889/90-1970), auteur de nombreux ouvrages, dessinateur, professeur et collectionneur, elle est aussi à l'honneur du goût des époux Jacquemart André, dont la collection donne très tôt une large place aux Primitifs. La rencontre entre eux et l'éminent spécialiste se fait à l'occasion d'une nouvelle attribution qu'il propose, selon sa méthode habituelle, en 1930 du polyptyque conservé à l'abbaye de Chaalis représentant St Jean l'Evangéliste et St Laurent, au départ attribué à l'école Siennoise alors que Roberto Longhi reconnait et authentifie Giotto, en qui il voue une grande admiration. Sans doute l'exposition aurait elle pu s'ouvrir sur ce fait d'arme mais les trois commissaires (deux florentins et le conservateur du musée Jacquemart Nicolas Sainte Fare Garnot) ont préféré démarrer le parcours sur le coup d'éclat de Caravage, au centre des recherches menées par l'historien qui choisit encore étudiant de lui consacrer sa thèse, alors qu'il se voit oublié par la critique. "Le garçon mordu par un lézard"version jumelle de celle de la National Gallery, dénichée chez un antiquaire parisien annonce les bouleversements à venir, cette dualité des sentiments, ici la douleur et la jouissance et cette dramaturgie en puissance. Elle est l'un des joyaux de la Fondation Longhi créée en 1971 et se voit assortie d'" un Amour endormi"du Palazzo Pitti et du "Couronnement d'épines", dont l'audace de la composition et le renouvellement de l'iconographie religieuse plaident pour la période romaine si féconde.Caravage est pour Longhi le "premier peintre de l'époque moderne"pour sa veine humaniste et ses atmosphères troubles et ambigües. Il n'aura de cesse d'étayer sa thèse de nombreux essais. L'influence du maître du clair-obscur sera grande et de nombreux caravagesques (courant qui embrase toute l'Europe) sont réunis, tels Manfredi, Saraceni pour le cercle romain mais aussi dans le sud de l'Italie à Naples où se trouve notamment Jusepe di Ribera (trois saisissants apôtres achetés par Longhi en 1921) ou les représentants des Pays Bas : Matthias Stomer (Guérison de Tobit) et Dirck van Baburen (Arrestation du Christ).
L'autre volet de la passion Longhi pour les Primitifs qu'ils soient du Trecento et du Quatrocento est explorée dans l'autre grand axe du parcours, même si cela n'est pas clairement explicite. Il publie en 1940 une étude déterminante sur Masolino et Masaccio, le"précurseur de Michel Ange" selon lui. Sa "Vierge à l'Enfant"est l'une des grandes découvertes" de ce détective hors pair tel que le décrit N. Sainte Fare ! Exceptionnellement prêtée par les Offices, cette tempera est une merveille de raffinement gothique. Pierro della Francesca et Cosmè Tura son héritier complètent favorablement l'influence de cette école florentine sur la maison d'Este et l'Atelier de Ferrare.
Si l'on sait que la collection constituée par Roberto Longhi compte plus de 250 tableaux parmi lesquels des Primitifs, des représentants du Seicento mais aussi des peintures plus avant-gardistes tel son ami Giorgio Morandi, le futuriste Carlo Carrà ou le fondateur de la Scuola Romana Mario Mafai, il semble que l'éventail de ses passions soit large. Une autre exposition pourrait être organisée dès lors. A la fin de l'exposition hommage de l'un de ses élèves, l'emblématique réalisateur Pier Paolo Pasolini qui lui dédicacera son 2è film.Enfin, Roberto Longhi et son épouse la romancière Anna Banti sont à l'origine de la revue culte Paragone, véritable incubateur d'idées et de débats.
Le mérite de cette exposition même incomplète à Jacquemart aux vertus pédagogiques certaines est d'ouvrir une porte sur cet insatiable découvreur, charge à chacun ensuite de poursuivre ses recherches.Scénographie impeccable d'Hubert Le Gall mais étroitesse des lieux !
Infos pratiques :
De Giotto à Caravage
les passions de Robert Longhi
Musée Jacquemart André
(Institut de France)
jusqu'au 20 juillet 2015
158 Bd Haussmann 75008 Paris
ouvert tous les jours de 10h à 18h