Dunkerque, capitale régionale de la culture ! et sa poétique d'objets

L'autre capitale culturelle c'est elle, Dunkerque après Valencienne et Béthune. Son port, ses dunes, sa mémoire de la guerre, ses docks (actuellement transformés par l'agence Nicolas Michelin et Associés) ses chantiers navals, une ville que certains diront sinistrée, il s'agirait plutôt de reconversion avec la culture comme vecteur essentiel (nouveau visage et enjeux touristiques du Môle 1, anciennement voué à l'activité portuaire) .Dotée d'un budget de 12 millions € cette ambition signera une véritable renaissance urbaine. Coup d'envoi ce week-end avec au programme spectacles de rue et d'harmonie, typiques de la culture du nord. "Pour une nouvelle image du territoire" comme le déclare Jean-Paul Noël chef du projet Dunkerque capitale régionale de la culture. Les temps forts :

Le Frac nouvelle génération ouvrira ses portes dans un an : l'AP2 et son jumeau de verre, deux projets en un. Le premier signé Angela Bulloch interagira avec la force du vent le second par Rainier Lericolais offrira une promenade sonore entre le Frac et le LAAC (lieu d'art et d'action contemporaine), son voisin, établissement culturel emblématique de la ville à son zénith dans les années 1960 quand Usinor tournait à plein régime. Un musée ouvert et accessible à tous sur la volonté de son fondateur le passionné Gilbert Delaine qui constitue une étonnante collection d'oeuvres de son époque, à proximité des chantiers navals et entouré d'un jardin de sculptures qui interagit avec l'environnement et l'eau très présente. Réaménagé il rouvre ses portes en 2005 autour de l'art des années 1950-80 et toujours en complémentarité avec les projets du Frac, par exemple Yves Klein/Marie Raymond, Olivier Debré, Anthony Caro ou plus récemment CoBrA qui a eu un grand succès. Retour aux sources avec Marcel Duchamp dont on célèbre le centenaire cette année et cette manière dont les artistes se saisissent des objets du quotidien avec humour et légèreté sans oublier une vraie conscience politique. Un parcours à jouer comme le souligne Marion Daniel, commissaire invitée par Aude Cordonnier, conservateur en chef, avec ces petites boîtes "events"des artistes parsemées tout du long comme une partition donnée au spectateur. Marcel Duchamp et ses valises alerte, chair events de George Brecht, Takako Saito, George Maciunas, Erik Dietman toute la philosophie Fluxus tient dans un tiroir ! Ben avec son "musée" en est l'épicentre.

Ce protocole posé nous sommes happés par l'installation géante de Sarah Sze qui se déploie dans tout l'atrium du musée. Une ode à l'apesanteur qui ouvre sur six séquences sous les auspices de Francis Ponge "l'objet c'est la poétique". Deux commandes particulières ont été lancées pour l'occasion à François Schmitt (installation autour de l'enchantement de l'enfance) et Esther Ferrer (las Cosas, performance partition). 

Partie 1 : de la mécanique avec des oeuvres de Schwitters la figure tutélaire de l'ensemble, Jean Tinguely (mécaniques de la dérision), Brecht déjà cité, Spoerri (fameux tableaux pièges), Arman, César, François Curlet et Franck Scurti, ces derniers rendant un hommage explicite au texte de Ponge "le Cageot". Le Tony Cragg emprunté au Frac Bourgogne fait une incursion plus contemporaine. 

Partie 2 : le réel enchanté avec pour protagonistes le duo Art Orienté Objet, Rebecca Horn, Yayoi Kusama (fascinant Bed-Dots obsession), Joseph Cornell, Dieter Roth, autant de poètes magiciens.

Partie 3 : de la question du fétiche avec des pièces emblématique de Daniel Pommereulle très à l'honneur en ce moment, Niki de Saint-Phalle, Man Ray et Jean Tinguely. 

Partie 4 des vertus de l'objet subjectif avec Jean-Pierre Raynaud et ses Psycho-objets, Erik Dietman "Tableau malade", Présence Panchounette "Chauffe Marcel", et Marcel Broodthaers "Surface de moules" pour une incursion vers le langage.

Partie 5 : l'engagement politique sous-jacent vis à vis du contexte de l'Algérie ou du Vietnam avec le B52 de Wolf Vostell qui lâche des rouges à lèvres ou le "Pain de Prague". Jannis Kounellis et Joseh Beuys dans une symbolique qui leur est propre préfigurent une rupture annoncée avec un monde absurde. Plus récemment François Curlet "Abstentionnistes" ou "Pills" de Dana Wyse instillent le détournement. 

Parie 6 : obsolescence et transformation programmées avec Camille Bryen, Fabrice Hyber "Prototypes d'objets en fonctionnement", Dieter Roth "Vitrine aux épices" comme l'avait proclamé Robert Filliou d'abord économiste aux Nations Unies avant d'embraser l'économie poétique. 

Enfin, dernière partie consacrée aux liens art et industrie, importants sur ce territoire avec notamment le reportage photographique de William Eggleston invité en résidence à Dunkerque en 2005 ou les plaques en fonte de Jacques Villeglé réalisées avec des ouvriers à Andenne en Belgique. L'on rejoint le manifeste des Nouveaux Réalistes "conscients de leur singularité collective". 

Oeuvres-outils, oeuvres-pensées et goût du paradoxe qui dépassent les frontières de Fluxus et pop pour rejoindre la mémoire universelle. Comme une fable et des leçons diverses la langue de Ponge dans sa capacité créatrice se voit réactivée dans ce cadre d'exception où la métamorphose a lieu.

à venir du 6 juillet au 6 octobre 2013, avec l'ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon en commissaire et en vedettes des oeuvres majeures de la collection Pinault.