Rudy Ricciotti maniériste réactionnaire

"Embrasement, foi collective"ce sont ses mots emportés, lyriques mais à l'intonation rauque, comme le souffle du mistral qui vous arrive en pleine figure, brut, piquant et pourtant chaud, sensuel, comme lui Rudy Ricciotti fils de maçon italien né en Algérie et installé dans le Var. Le Sud, la Camargue où il a grandit, ces horizons plats et infinis qu'il revisite à chacun de ses projets ou lors de ses balades filmées en short et torse nu (on croirait voir Picasso dans son atelier !). La territorialité qu'il incarne et qu'il défend (son agence est à Bandol, c'est le monde qui vient à lui !) comme "une antidote à la névrose conceptuelle". Grand Prix national d’architecture en 2006, cet orateur hors pair signe cette année "l'architecture est un sport de combat" aux éditions Textuel tandis que s'ouvre sa première rétrospective à la Cité de l'architecture à Paris. Une consécration ? un manifeste sans concession adressé à ses pairs, contre les modèles consuméristes dominants et le conformisme moderne sous toutes ses formes. Pourfendeur de la norme et de la paresse intellectuelle (la comparaison avec Picasso tient toujours !), il s'érige en ardent défenseur du béton et des compagnons de travail sans qui rien ne saurait possible. Favoriser la porosité du contexte comme pour le pavillon Noir d'Aix en Provence où cette matière danse avec le diable, une métaphore du chorégraphe. Avec le Mucem à Marseille bâtiment phare de la capitale de la culture, il s'agissait de dialoguer avec la présence dominante du fort, de "démuséifier" l'espace pour sentir l'odeur iodée du mistral et recréer invariablement l'horizon cobalt du bleu méditérranée. Comme pour le musée Jean Cocteau à Menton onirique ou l'aile du département des arts de l'Islam au Louvre, ondulante et flottante. Un risque architectural qu'il assume et renouvelle au service de la métaphore. Sa fougue elle est une antidote à la sinistrose ambiante et un hommage au savoir-faire de la France et à la main d'oeuvre. Dans l'élégant parcours d'exposition ponctué de ses citations personnelles (dommage de se priver de son humour et érudition) défile comme une toile de fond les recherches et l'émotion permanentes que l'on soit au Stadium de Vitrolles, au futur mémorial de Rivesaltes, aux Grands Moulins de Paris ou au Philarmonique de Postdam.Entre sensualité et matérialité nous oscillons dans une alternance de séquences physiques et de séquences plastiques. L'art contemporain est également présent avec le regard de Valérie Jouve, les aquarelles d'Yvan Salomone et le film inédit de Laetitia Masson "l'orchidoclaste". Un voyage salutaire et vrai.