Et la Briqueterie entre dans la danse

A l'occasion de la 17è Biennale de danse du Val-de-Marne, la Briqueterie ouvre ses portes affirmant sa nouvelle identité de pôle chorégraphique européen au terme de la métamorphose engagée par le Conseil Général et l'architecte Philippe Prost dans cet ancien bâtiment industriel à caractère patrimonial la Briqueterie de Gournay. Le projet architectural d'une superficie totale de 3500 m2 a gardé l'enveloppe originelle et l'âme du lieu recréée à partir de trois axes : le mouvement, le rythme et la lumière. Trois studios de travail et un studio scène d'une capacité de 178 spectateurs permettent au nouveau Centre de Développement Chorégraphique d'accueillir artistes et danseurs en résidence et de tisser des liens avec l'ensemble des publics et partenaires en Ile de France. De nombreuses actions sont menées dans ce sens dont la Biennale du Val de Marne en est l'illustration la plus probante sur le thème cette année de Bestiaire et fantasmagories. J'en avais eu un avant-goût au MAC/VAL avec les pérégrinations de Charles Fréger dont s'est inspiré Joef Nadj et je poursuis ces étranges hybridations avec la chorégraphe Kitt Johnson autour d'une performance de l'animalité. Tel un phare lumineux dans la nuit, la Briqueterie interpelle de loin avec ce signal d'une tonalité bleue électrique conçu par Yann Toma, un ami qui je croise souvent et qui continue à me fasciner. TRANScorp est une oeuvre qui répond aux codifications et vibrations de lumière empruntées aux transferts corporels. Nous sommes au coeur du sujet. Puis l'on débouche sur l'élégant parvis et jardin extérieur peu fréquenté en cette saison avant de s'offrir une collation au sympathtique bar. La convivialité est de mise. Les anciennes parois de briques ont volontairement été conservées et cela donne un cachet particulier à l'ensemble. Belle agora qui reste assez intime avant que ne résonnent les sons et le grésillement de la caverne voulue par Kitt Johnson. Sommes nous chez Platon dans la grotte des origines ? Bientôt la chorégraphe performeuse surgit seule en scène, telle un fossile avec pour vêtement une simple ceinture de lianes. Son corps est soumis à des variations musculaires lentes et maîtrisées comme dans la danse japonaise butô. Mouvements étranges reptiliens et organiques. Rankefod (cirripède en français) renvoie aux théories Darwiniennes sur l'évolution des espèces, il se pourrait aussi que ces manipulations corporelles signalent les contorsions de la chair de Francis Bacon. Du fossile au prédateur on est pris au piège par ce solo surprenant qui sonde les profondeurs de la nature humaine. Un cheminement qui se poursuit tout au long de la Biennale à travers 11 spectacles venus de toute l'Europe : Belgique, Danemark, Italie, Pays Bas, Portugal, Serbie, Slovaquie et République Tchèque et cinq semaines intenses à vivre en résonance avec tous les lieux partenaires.