Vue de l’exposition Art Lovers avec, au premier plan, une œuvre de Maurizio Cattelan (Sans titre, 1998), au deuxième une œuvre de Bertrand Lavier (Gabriel Gaveau, 1981) et au troisième une peinture de Yan Pei-Ming (Portrait de Giacometti) Photo JC VINAJ
Piotr Uklanski Untitled (Dancing Nazis) 2008
Vue de l'exposition Art Lovers avec au premier plan une oeuvre de Dan Flavin (Alternate Diagonals of march 2, 1964 To Don Judd) 1964 et de Zhan Huan (Old Baishi in 99 years old) 2007, au deuxième une oeuvre de Hiroshi Sugimoto (The Last Supper, 1999)
Urs Fischer Untitled 2011
Cire, pigment, mèches, acier Courtesy of the artist, Segalot, and Pinault Collection
Maurizio Cattelan, We 2010
Bois, fibre de verre, gomme polyuréthane, tissus
Courtesy of Maurizio Cattelan's Archive.Photo Zeno Zotti
Subodh Gupta, Et tu, Duchamp ? 2009
Black bronze, Hauteur totale : 237 cm
Coutesy the artist, Photo : Mike Bruce
"Art Lovers" ou la première implantation de la collection Pinault sur les bords de la Méditerranée dans le cadre de son programme "hors les murs". Sixième volet cet été à Monacoà l'invitation du Grimaldi Forum placé sous le signe de l'art d'après l'art, un fil conducteur savamment orchestré par Martin Bethenod, le commissaire de l'exposition et actuel directeur du Palazzo Grassi/Pointe de la Douane siège de la Fondation Pinault. Une quarantaine d'oeuvres majeures, dont certaines exposées pour la première fois hors de Venise explorent les concepts de la copie, du simulacre, de la mimesis à l'ère des enjeux de la postproduction,selon le principe d'intertextualité développé par le critique littéraire Gérard Genette dans l'ouvrage de référence "Palimpsestes".
De la citation à la filiation, du simulacre au pastiche, du détournement à l'appropriation des concepts certes contemporains mais qui traversent toute l'histoire de l'art comme en témoigne l'une des oeuvres les plus discrètes par sa taille mais pertinentes du parcours de Giulio Paolini "l'Invenzione di Ingres"soit la superposition de l'autoportrait de Raphaël par celui qu'en avait fait Ingres en 1969.Où commence la contrefaçon ? mise en abyme subtile reprise dans ses deux Vénus en plâtre à l'identique "Mimesi" qui ponctuent la grande galerie de sculptures de la première salle, envisagée selon la tradition classique. Le bas relief (Charles Ray), le gisant (Maurizio Cattelan), le buste (Jeff Koons), le groupe (Rachel Whiteread) tous les genres sont convoqués et convergent vers le fantastique memento mori d'Urs Fischer, triptyque sculptural à la déliquescence programmée. Cette première partie s'achève dans un mélange ironique des citations avec le Dancing Nazis, réemploi par l'artiste de deux oeuvres antérieures entre plaisir et dégoût, art et divertissement.
La deuxième partie du parcours qui s'ouvre avec le polyptyque 727-272 de Takashi Murakami se focalise sur la notion de transposition d'une culture à l'autre (ici importance de l'histoire de l'art d'Extrême Orient), d'un médium à l'autre avec Louise Lawler et sa petite danseuse de Degas ou Cyprien Gaillard et son esthétique crépusculaire wagnérien, d'un registre à l'autre : du sacré au profane et vis et versa avec un mauvais Damien Hirst à la manière de Francis Bacon heureusement rattrapé par ses quatre évangélistes, point de bascule avec la troisième section où Hiroshi Sugimoto, Marlène Dumas et Adel Abdessemed revisitent l'iconographie chrétienne de la Passion recontextualisée.
Dans la quatrième section il est question de l'hommage d'un artiste à un autre par le biais de la dédicace (Dan Flavin), le portrait qu'il soit parodique (Maurizio Cattelan et Gilbert and George ou Alighiero et Boetti), poétique (Rudolf Stingel et son ami Franz West) ou visionnaire (Yan Pei-Ming et Giacomtti).
La cinquième section se focalise sur les pratiques de remploi et de remake que l'on soit dans le dessin (les frères Chapman et les Caprices de Goya ou Richard Prince et De Kooning) l'art africain comme vecteur de questionnements identitaires avec Chen Zhen, Bertrand Lavier et David Hammons autour de la parodie du trophée et enfin le cinéma avec Douglas Gordon et Javier Téllez (found footage et dédoublements psychiques).
Dans la dernière section avec la démarche d'appropriation active depuis les années 60 et surtout dans les années 80 on atteint en quelque sorte un point limite, comme en témoignent les figures de Sherrie Levine (série After August Sander) et Elaine Sturtevant (Warhol Flowers et Untitled Felix Gonzalez-Torres America America). Clin d'oeil de cette dernière oeuvre du parcours aux oeuvres précédemment exposées au Grimaldi Forum dans leur version originale à l'occasion de SuperWarhol en 2003 et New York New York en 2006. Entre les deux, Jonathan Monk et son emprunt à l'allemand Martin Kippenberger à l'ère de la production globalisée qui peine à convaincre. Sans doute tout est une question de distance juste du regardeur comme le rappelle le crâne rutilant et inoxydable de Subodh Gupta à l'extérieur et entrée du Forum ou le "Hanging Heart" de Jeff Koons qui accueille les visiteurs. C'est bel et bien le principe sous-jacent à la contemplation d'une oeuvre archétypale quand à l'instar du régime instable des images, un palimpseste peut retourner à son état de matière première, vierge de toute réécriture comme le fera à la fin de l'exposition la scène de l'Enlèvement des Sabines d'Urs Fischer, vanité ultime de l'art d'après l'art.
En contrepoint de votre visite, ne manquez pas au Palais Princier trois sculptures de Subodh Gupta, Urs Fischer et Thomas Schütte.
Infos pratiques :
ArtLovers : Histoires d'art dans la collection Pinault
jusqu'au 7 septembre 2014
Commissariat : Martin Bethenod
Grimaldi Forum
10 avenue Princesse Grace, Monaco
www.grimaldiforum.com
Catalogue de l'exposition : coédition Lienart/Grimaldi Forum, 208 pages, 33 €, bilingue : français/anglais